Retour sur les Rencontres catalanes de la pierre sèche

Après l’Alsace en mars, c’était au tour des Pyrénées-Orientales d’accueillir, du 6 au 8 avril 2016, les Rencontres régionales de la pierre sèche.
Organisées par le Parc Naturel Régional des Pyrénées Catalanes, la Fédération Française des Professionnels de la Pierre Sèche et le CAUE des Pyrénées-Orientales, ces rencontres, qui mêlaient conférences et visites de sites, étaient l’occasion d’échanger les savoirs, savoir-faire et pratiques autour des enjeux économiques, environnementaux et paysagers.
Retour sur quelques moments clés de la journée du 7 avril à laquelle le CeRCAD était présent.

Un compte-rendu plus complet élaboré par le Parc Naturel Régional des Pyrénées Catalanes sera bientôt disponible.

Retrouver le programme détaillé de ces rencontres.

En ouverture, l’importance de la pierre sèche (technique traditionnelle d’assemblage de moellons de pierre-tout-venant, sans utilisation de liant ou de mortier) dans la patrimoine local, sa haute valeur paysagère et sa forte richesse écologique (drainage de l’eau et stabilisation des sols) ont été rappelées.
Si la technique et le savoir-faire se sont perdus au cours du temps, il existe aujourd’hui un engouement important de la part des collectivités et du grand public vis-à-vis de cette technique.

Pierre sèche et paysage

La pierre sèche a été très utilisée au fil des siècles pour la création de terrasses en zone montagneuse afin de permettre la culture de la terre, pour la réalisation de murets délimitant les parcelles, mais aussi en soutènement de réseau routier et pour gérer l’eau (en rareté et en excès). Elle est donc considérée comme un important marqueur de paysage.

Ces conférences ont été l’occasion de montrer comment « le paysage est l’expression d’un projet », et notamment comment le projet d’une agriculture industrielle au XXè siècle a induit une nouvelle organisation des territoires et des paysages.

Aujourd’hui il s’agit d’imaginer ou de revenir à des systèmes de production limitant les consommations de pétrole, notamment grâce aux ressources naturelles de chaque territoire, la pierre sèche faisant partie de ces composantes.

Professionnalisation et qualification

La pierre a la particularité d’être non industrialisable puisqu’à partir de pierre…on ne peut rien faire d’autre que de la pierre ! Comme pour d’autres matériaux non industrialisés, la pierre sèche manque de règles de l’art écrites. L’un des défis d’aujourd’hui est de prouver scientifiquement la pertinence de techniques ancestrales et de formaliser par écrit les connaissances.

A travers cette conférence, ont été retracées les 17 dernières années de travail collectif (expérimentations scientifiques, règles de l’art, argumentaires, comparatifs avec d’autres techniques, formation et qualification des professionnels etc.) qui ont mené à l’émergence d’une filière économique à l’échelle nationale et à la création de la Fédération Française des Professionnels de la Pierre Sèche (FFPPS).

Quelques actions marquantes :
 en 2008, la parution du premier ouvrage de référence technique nationale avec abaques de calcul de dimensionnement des ouvrages : le « Guide de bonnes pratiques de construction de murs de soutènement en pierre sèche » ;
 en 2010, la création d’un diplôme national : le Certificat de qualification professionnelle (CQP) « Ouvrier professionnel en pierre sèche » ;
 en 2012, l’officialisation du collectif en Fédération Française des Professionnels de la Pierre Sèche (FFPPS) ;
 en 2013, la mise en place d’une formation « Prescripteurs en pierre sèche »
 en 2015, l’inscription du terme « murailler », pour le professionnel bâtisseur en pierre sèche, dans la liste des métiers d’art au Répertoire National des Métiers ;

La recherche scientifique au service de la construction en pierre sèche

Ont été présentés les différents programmes de recherche ayant servis à formaliser les savoirs et à créer des outils de dimensionnement, de diagnostics et de mesures des enjeux de développement durable : programme PEDRA (Ouvrages en pierre sèche ou faiblement maçonnés), programme RESTOR (Restauration des murs de soutènement en pierre sèche) et programme MaPCod (Matériaux et procédés à faibles impacts environnementaux pour une construction durable) notamment. La demande portait sur l’entretien et la restauration, voire la construction de ponts, routes, berges de rivières, perrés des barrages hydroélectriques et digues en mer.

Suite aux travaux aboutis sur les murs de soutènement de talus entre 1996 et 2009, le travail de recherche continue pour améliorer les résultats concernant les murs de soutènement routier.

Quelques liens :
 Projets PEDRA et RESTOR
 Rapport final PEDRA
 Comparaison environnementale et financière de murs de soutènement en pierre sèche/gabions/béton armé

L’histoire en images d’un chantier pilote

La présentation d’un chantier pilote de remise en état d’un ouvrage de soutènement routier dans le Vaucluse, réalisé par les Muraillers de Provence pour le compte du Conseil Départemental du Vaucluse, a été l’occasion d’illustrer la pertinence de la technique de la pierre sèche : le chantier a pu être facilement phasé, la route n’a pas eu besoin d’être fermée à la circulation, 80% des pierres existantes ont pu être réutilisées, seule une brouette motorisée a été nécessaire comme engin de chantier et pour finir aucun déchet n’a été généré. Les travaux n’ont pas eu d’incidence sur la culture de la parcelle attenante et le site a été rendu en parfait état. Et tout cela a pu être réalisé à un coût moindre qu’une option conventionnelle en béton.

Ce chantier démontre la nécessité de sortir de l’inconscient collectif qu’une solution « alternative » est forcément plus chère qu’une solution « conventionnelle ». Les praticiens sont formels : à condition qu’ils soient réalisés par des connaisseurs, des entreprises formées, les devis sont du même ordre de grandeur.

Les filières vertes

La première conférence a été l’occasion de parcourir les actions existantes et possibles des pouvoirs publics à la structuration des filières vertes dans le domaine de la construction.
Par exemple : le développement de l’utilisation des matériaux biosourcés dans la commande publique en région Centre - Val de Loire ou l’accompagnement de la structuration de la filière pierre sèche en Corse.

S’en est suivie la présentation des principaux résultats de l’étude du marché national de la pierre sèche.
80% des praticiens interrogés ont une activité stable ou en hausse. Les principaux débouchés actuels concernent l’accompagnement du bâti et les principaux clients sont des propriétaires privés, devant les collectivités locales.

La pierre sèche comme élément du développement local

La dernière conférence de la journée a présenté la stratégie de développement local du Conseil insulaire de Majorque afin d’étendre l’attractivité de l’île à d’autres territoires que le seul littoral de plages et d’allonger la période touristique aujourd’hui principalement estivale.

L’île de Majorque dispose d’un riche patrimoine en pierre sèche, notamment dans la chaîne montagneuse « Serra de Tramuntana », reconnue patrimoine mondial de l’UNESCO en 2011. De nombreuses terrasses pour la culture de la vigne, des oliviers et des agrumes façonnent le paysage.
En guise d’anecdote, le plus grand mur de pierre sèche de l’île est haut de 17 mètres et couvre 1600 m2 ! La route qu’il soutient est toujours très empruntée par les cars de touristes.

Entre 1988 et 2016, le Service Environnement a travaillé sur différents axes autour de la pierre sèche : chantiers écoles pour l’insertion des jeunes, inventaire des patrimoines, protection de sites remarquables et restauration de chemins ou d’éléments bâtis. Toutes ces actions sont fédérées autour du projet d’aménagement d’un réseau de chemins pour la randonnée pédestre : la route de la pierre sèche (GR 221). Ce réseau de plus de 300 km comprend 8 étapes et 9 variantes, traverse 15 municipalités, concerne 8 refuges. Aujourd’hui 167 km de chemin sont ouverts et 6 refuges sont en fonctionnement. Cette offre a permis l’allongement significatif de la période touristique aux inters-saisons, propices à la randonnée pédestre.

Visite commentée

La journée s’est terminée par la visite de l’Orri du Clot d’en Baladre à Taurinya, ouvrage de très gros gabarits de pierres bâties à sec composé en pierre sèche de 4 salles en enfilade, effondré à ses deux extrémités et dont la restauration reprend mi-avril.

Plus d’info sur les constructions en pierre sèche de Taurinya

Pour approfondir ses connaissances

Consulter le site des CAUE de Midi-Pyrénées dédié aux systèmes constructifs traditionnels en Midi-Pyrénées comprenant un ensemble de fiches à télécharger, dont celle sur les murs en pierre sèche.

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