Protection de la montagne : l’érosion se poursuit

Source Le Moniteur 27/07/2012

Œuvre législative charnière, la loi Montagne de 1985 repose sur la recherche d’un équilibre entre protection et valorisation de ses espaces. Les enjeux ne sont pas anodins puisque près d’un tiers de la France métropolitaine est couverte par 6 massifs et accueille près de 8 millions d’habitants. Mais que reste-t-il des principes protecteurs de cette loi ?

Le bilan d’application de la loi Montagne de 1985 suscite un sentiment contradictoire. D’abord celui d’avoir permis d’enrayer une urbanisation non maîtrisée des zones de montagne, objets de convoitise liés à la ruée vers « l’or blanc » et aux politiques de défiscalisation immobilière.

Dans le même temps, l’impression que les avancées de cette loi ont été insuffisantes et demeurent plus que jamais menacées par des remaniements incessants (32 réformes en 27 ans), des concepts flous permettant aux acteurs locaux d’adapter, voire de contourner, certaines règles contraignantes et l’apparition de nouveaux dangers tels que le regain d’attractivité de la montagne pour les urbains ou le développement de la filière éolienne. Le juge administratif incarne souvent la dernière vigie face à une loi érodée.

Difficultés d’application de la loi Montagne

Concept central de la loi Montagne, l’obligation de construction en continuité des bourgs, villages ou hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants a pour objet de préserver les zones de montagne du mitage. Cette règle, pourtant simple à énoncer, se révèle difficile à appliquer du fait de l’ajout progressif de dérogations et d’une définition imprécise de ce qu’est le bâti existant à partir duquel il est possible de construire.

Mais le juge administratif veille. Ainsi, six constructions distantes les unes des autres d’environ 30 mètres ne caractérisent pas un hameau de montagne en raison d’une implantation éparse. Toutefois, ce qui est valable dans le massif des Alpes ne l’est pas nécessairement dans l’un des cinq autres massifs car chaque région a ses spécificités en matière d’habitat.

La notion de continuité est aussi appréciée de manière rigoureuse par le juge qui se prononce, là encore, en fonction des circonstances de l’espèce et des caractéristiques des lieux. Il a été jugé par exemple que la présence d’un cours d’eau ou d’un château peut constituer une barrière naturelle à la continuité de l’urbanisation. L’examen de la jurisprudence révèle donc, au grand dam des parties prenantes (communes, promoteurs, particuliers, associations de défense de l’environnement…), qu’il est difficile de se reposer sur un corpus de règles stables concernant l’urbanisation de la montagne.

L’épineuse question des éoliennes

Par un retentissant arrêt du 16 juin 2010 (affaire « Leloustre » - cliquez ici), le Conseil d’État a jugé que la loi Montagne et son obligation d’urbanisation en continuité étaient bien applicables aux constructions d’éoliennes. Mais il a également estimé qu’en égard à l’importance et à la destination du parc éolien litigieux, ce dernier pouvait bénéficier de la dérogation à la règle d’urbanisation en continuité prévue par le Code de l’urbanisme pour les installations ou équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées. La solution dégagée relève d’une appréciation souveraine des juges du fond et ne semble pas donner un blanc-seing à la construction d’éoliennes en zone de montagne.

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