Les sinistres des bâtiments BBC identifiés

Source Le Moniteur 18/07/2012

Une étude portant sur 211 bâtiments BBC met en évidence les pathologies spécifiques de ces constructions destinées à se généraliser avec la RT 2012.

Le programme « Règles de l’art Grenelle Environnement 2012 » (Rage), qui a pour mission de revoir l’ensemble des règles de construction et de les adapter aux nouvelles exigences de performance énergétique des bâtiments, publiera fin juillet les résultats d’une étude sur les pathologies des bâtiments BBC. Ce « Retour d’expériences dans les bâtiments basse consommation » (Rex BBC & risques) réalisé en 2011 est le deuxième volet, sur un échantillon plus significatif, d’une première phase réalisée en 2010 par l’Agence Qualité Construction (AQC) à la demande du ministère de l’Ecologie (DHUP).

211 bâtiments analysés

Cette nouvelle étude a consisté à visiter 211 opérations neuves ou rénovées sur tout le territoire français, représentatives des différentes typologies de bâtiments BBC (tertiaire, logement collectif, maison individuelle), labellisées ou non BBC Effinergie. A la demande du comité de pilotage du programme Rage, l’Observatoire de la qualité de la construction de l’AQC s’est entouré de partenaires disposant de sources d’information directes, comme l’USH, la fédération des PACT et les certificateurs Cequami, Promotelec et Certivea, pour visiter les opérations à basse consommation et rencontrer les acteurs de leur conception, construction, utilisation.

Des désordres amplifiés

« Les résultats de cette étude n’ont aucune valeur statistique », insiste Marc Ducourneau, directeur général de l’AQC, qui les compare à la base de données Sycodes gérée par l’agence et recensant quelque 300 000 sinistres. Ils apportent cependant quelques enseignements sur les risques avérés dans les bâtiments à basse consommation. « On découvre peu de risques nouveaux, observe Marc Ducourneau, mais les désordres déjà constatés sur les constructions classiques se trouvent amplifiés quand il s’agit de BBC. »

Séchage lent du bâtiment

Ainsi, la difficulté à sécher le bâtiment en phase de chantier, après le coulage de chapes par exemple, est encore plus criante avec l’étanchéité à l’air accrue des bâtiments. Conséquence : une forte condensation entraînant des moisissures, des taches, la déformation des menuiseries et des retards dans les différentes phases de second œuvre. La solution apportée par certains acteurs est la mise en place de déshumidificateurs ou de VMC provisoire de chantier.

Surchauffe d’été

Si les problèmes thermiques sont résolus en période hivernale dans les bâtiments BBC, les températures réglementaires en période estivale (Tic) peuvent être largement dépassées en nombre d’heures comme en valeur. Un phénomène observé dans tous types de bâtiments, dans toutes les régions et quels que soient les matériaux employés. Parmi les causes identifiées par l’étude, à noter l’absence de protections solaires ou un mauvais usage des protections existantes, mais aussi une mauvaise prise en compte des apports thermiques internes lors de la conception. D’autres responsables de ces surchauffes sont relevées par l’étude : le mauvais positionnement des VMC double flux (dans des combles non isolés par exemple), l’impossibilité d’assurer une ventilation naturelle ou traversante, du fait de la conception du bâtiment.

Nuisances acoustiques des VMC double flux

L’étude relève deux types de problèmes liés aux installations de ventilation mécanique contrôlée double flux. L’isolation acoustique accrue de ces bâtiments vis-à-vis de l’extérieur fait ressortir des nuisances sonores internes : sifflements aux bouches d’insufflation, vibrations liés au mauvais réglage des débits d’air, transmission de sons par les gaines, vibration de l’équipement lui-même due aux défauts de fixation…

… Et nuisances sanitaires

Les conséquences sanitaires d’une mauvaise installation de VMC dans un bâtiment étanche à l’air sont également notables. Ainsi, des bouches d’insufflation mal positionnées ne permettent pas le renouvellement d’air au fond des pièces. Et si les portes ne sont pas détalonnées (portes acoustiques par exemple), la circulation d’air entre les pièces par balayage devient impossible. Autre défaut rencontré : des bouches d’insufflation installées au-dessus des portes ou à côté des bouches d’extraction qui ne permettent pas le renouvellement d’air car l’air neuf est immédiatement rejeté.
Par ailleurs, les blocs moteurs sont parfois placés dans des lieux inaccessibles qui ne facilitent pas la maintenance et le changement des filtres.
Quant aux opérations de rénovation visitées, elles montrent la difficulté à installer des réseaux aérauliques dans des volumes qui n’ont pas été prévus pour les accueillir.

Etanchéité à l’air

La difficile gestion des interfaces entre corps d’état, source de désordres depuis toujours, apparaît encore plus évidente avec l’obligation de résultat sur l’étanchéité à l’air des bâtiments BBC. Outre quelques défauts intrinsèques aux produits (fuite d’air au niveau des parcloses de menuiseries, des baies coulissantes, lanterneaux et trappes de visite, coffres de volets roulants ou portes séparant des locaux chauffés et non chauffés), l’étude pointe des défauts de conception et de mise en œuvre. Ainsi, le nombre de traversées de l’enveloppe par des canalisations est à limiter dès la conception. De même, les traversées de planchers par les conduits d’évacuation des fumées sont mal définies dans les règles de l’art. L’obligation réglementaire de ventiler les gaines d’ascenseurs entraîne des fuites d’air parasites. « Enfin, souligne Marc Ducourneau, le maçon travaillant avec une tolérance de l’ordre du centimètre et le menuisier du millimètre, l’usage de mousse de polyuréthanne et de silicone est largement répandu pour combler ces différences. Or on ne peut pas compter sur ces matériaux pour réaliser l’étanchéité à l’air. Leur durabilité n’est pas assurée. »

Energies renouvelables

Du côté des équipements techniques, l’étude pointe le mauvais positionnement des panneaux solaires : difficiles d’accès pour l’entretien ou souffrant de masques solaires non pris en compte dans les calculs thermiques initiaux.
Par ailleurs, l’utilisation d’énergies renouvelables s’accompagne de la multiplication de sources de chaleur d’appoint pas toujours bien maîtrisée. Quant au surdimensionnement des équipements, fréquent lorsque les besoins s’amenuisent, notamment en rénovation, il est néfaste pour le bon fonctionnement des appareils. Utilisés à une puissance inférieure à leur capacité, ils sont soumis à des courts-cycles participant à un encrassement prématuré, donc à leur dégradation et à une baisse de rendement. Une surface de panneaux solaire trop importante entraîne de même un vieillissement prématuré de l’installation suite à des surchauffes (dégradation du liquide caloporteur ou des joints, fuites…).

Observatoire

L’étude, mise en ligne le 27 juillet sur le site du programme Rage ne s’arrêtera pas là. « Un observatoire sera mise en place », promet Marc Ducourneau, alimenté par les partenaires de l’étude ainsi que par des collectivités locales qui accordent des subventions aux bâtiments BBC et en attendent des retours d’expériences. La mise en commun des bases de données avec celles gérées par USH ou le CSTB (sur la performance énergétique) devrait par ailleurs permettre de croiser les résultats pour établir éventuellement des liens entre pathologie et performance des bâtiments.

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